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Troubles Dépressifs et Troubles Bipolaires

Dr. Abdelkader BEZARI Dr. Abdelkader BEZARI
January 7, 2024
9 min read

I. TROUBLES DÉPRESSIFS

I.1. Introduction - Définition

L’humeur (thymie) est la disposition affective de base. La dépression comprend :

  • Humeur dépressive (vision pessimiste du monde et de soi).
  • Ralentissement psychomoteur (diminution forces pulsionnelles, processus intellectuels, activité motrice).
  • Perturbation des grandes fonctions de l’organisme.

I.2. Épidémiologie

  • Fréquents : Prévalence sur la vie entière ~10% chez l’homme, ~20% chez la femme.

I.3. Clinique (Syndrome Dépressif Typique)

Associe :

  • Dépression de l’humeur.
  • Ralentissement psychomoteur.
  • Perturbation des grandes fonctions de l’organisme.

I.3.1. Humeur Dépressive

  • Vécu : Pessimisme, insatisfaction, anhédonie, dévalorisation, autodépréciation, idées d’indignité, culpabilité, incurabilité. Tristesse parfois douloureuse (douleur morale).
  • Comportement : Expression faciale/ton de voix découragés, abattement, tristesse. Mimique douloureuse. Gestualité exprimant tristesse/inutilité. Discours triste, vie absurde/insupportable.
  • Variations : Alternance avec sentiments d’indifférence, monotonie, émoussement affectif. Incapacité à ressentir plaisir (anhédonie) ou émotions (joie, amour, colère, peur).

I.3.2. Inhibition Psychomotrice

Perte de l’élan vital, ralentissement psychomoteur, fatigue intense.

  • Ralentissement Moteur et Psychique : Démarche/gestes lents/rares, perte mobilité faciale, monotonie expression, diminution débit verbal/tonalité voix, réponses brèves, pauses, soupirs. Psychiquement : altération fonction intellectuelle, ralentissement créativité, idéation, efficience intellectuelle. Formes graves : immobile, silencieux, plaintes/gémissements.
  • Fatigue Dépressive : De simple sensation de se fatiguer plus facilement à épuisement complet (>80% déprimés). Asthénie associée à aboulie (difficulté initiation) et baisse d’énergie.
  • Symptômes Associés :
    • Anxiété : Sentiment pénible d’attente d’un danger imminent/imprécis. Agitation motrice masquant ralentissement. Troubles somatiques (tension interne, fébrilité, nervosité, tension musculaire -> raptus anxieux).
    • Trouble du Caractère : Irritabilité, hostilité, impulsivité, violence, intolérance (prodromes).

I.3.3. Symptômes Somatiques

Presque constants, universels. Dominés par :

  • Digestifs : Anorexie, constipation, amaigrissement. Plus rarement boulimie, prise de poids, nausées, diarrhée.

I.3.4. Symptomatologie Dépressive et Désir de Mort

  • Désir de mort : conséquence du drame vécu. Peut entraîner tentative de suicide (TS) (raptus suicidaire ou prémédité). Peut être verbalisé/non agi, ou non verbalisé (TS imprévisible, surveillance nécessaire).
  • Équivalents Suicidaires : Refus alimentaire, refus traitement, automutilations, accidents circulation répétés.
  • Évaluation risque suicidaire : Délicate, non toujours corrélée à sévérité globale dépression.

I.4. Formes Cliniques

I.4.1. Formes Symptomatiques

FormeCaractéristiques
AnxieuseSyndrome anxieux fait partie du tableau (pas central). Agitation anxieuse masquant ralentissement psychomoteur.
DéliranteThèmes : culpabilité, ruine, indignité, damnation, néantisation (avec/sans délire hypocondriaque, syndrome de Cotard). Risque suicidaire maximal. Idées délirantes grandioses (suicide altruiste).
StuporeuseAccompagne dépressions délirantes, masquant activité idéique (incapacité, incurabilité, douleur morale intense). Mimique figée, oméga mélancolique.
ConfusionnelleRare (sauf âgés : aspect confus démentiel).
AtypiquesDépression légère/moyenne avec prise de poids et hypersomnie.

I.4.2. Formes Selon l’Âge

  • Enfant : Tristesse durable, pleurs futiles/sans raison, ennui, infériorité, diminution plaisir activités, colères/irritabilité, inhibition intellectuelle (baisse rendement scolaire, troubles concentration, mémoire défaillante).
  • Adolescent : Fréquente, sémiologie proche de l’adulte.
  • Sujet Âgé : Très fréquente, souvent méconnue (aspect pseudo-démentiel).

I.4.3. Dépressions Masquées

Symptômes psychiques au second plan, prédominance somatique : céphalées, fatigue générale/musculaire, paresthésies, douleurs abdominales. Prédominance matinale, caractère diffus/non systématisé, troubles du sommeil fréquents.

I.4.4. Équivalents Dépressifs

Épisodes pathologiques sans éléments dépressifs directs, mais rattachés à dépression par évolution cyclique, rupture comportementale et réponse aux antidépresseurs (alcoolisme, toxicomanie, conduites à risque, troubles du caractère). Fréquents à l’adolescence.

I.4.5. Formes Nosographiques

  • Endogènes (vitales, autonomes, psychotiques) : Grande intensité symptomatique (humeur dépressive, ralentissement, signes neurovégétatifs, idées de suicide), recrudescence matinale des symptômes.
  • Exogènes (psychogènes, réactionnelles, névrotiques) : Moindre incapacité sociale, moindre intensité symptômes, facteurs précipitants, personnalité inadaptée. Homogénéité contestée.

I.5. Diagnostic Positif

Syndrome dépressif associe trois types de symptômes, rupture avec vie antérieure :

  1. Inhibition psychomotrice :
    • Intelligence : Bradypsychie (lenteur idéation, difficulté attention/mémoire, aboulie).
    • Affectivité : Désintérêt global, incapacité douloureuse à éprouver sentiments (anesthésie affective).
    • Motricité : Lenteur gestes, pauvreté mimique (faciès immobile), réduction activité (apragmatisme, incurie, stupeur), fatigue persistante ne cédant pas au repos.
  2. Hyperthymie douloureuse :
    • Tristesse, découragement, auto-dévalorisation, culpabilité, accusation (douleur morale).
    • Idées d’indignité peuvent être délirantes. Libido diminuée.
    • Troubles neurovégétatifs : hypotension, vertiges, lipothymies.

Diagnostic d’un 1er accès difficile si signes psychiques discrets, inhibition psychomotrice faible/absente, ou autres symptômes au premier plan. Symptômes récents imposent recherche systématique d’éléments dépressifs.

I.6. Diagnostics Différentiels

DifférentielCaractéristiques
Dysphorie états anxieuxAltération humeur modérée, grande variabilité (vs dépression). Association anxiété/dépression fréquente.
Athymormie (Schizophrénie)Altération humeur (incapacité à éprouver plaisir, pas vraie tristesse). Épisodes dépressifs fréquents (diagnostic difficile : expression affectes pauvre, ralentissement difficile à distinguer du déficit).
Pseudo démence (Sujet âgé)Symptomatologie dépressive trompeuse (importance signes cognitifs donnant tableau démentiel). Association dépression/démence fréquente. 1er épisode dépressif après 50 ans = suspecter début détérioration (mélancolie d’involution).

I.7. Évolution

  • Non traitée : Guérison spontanée (accès mélancolique 4-12 mois), risque évolution chronique.
  • Traitée : Levée symptômes 70% cas en 3-9 semaines. 50% patients signes résiduels après un an.

I.8. Prise en Charge

I.8.1. Hospitalisation

Imposée par :

  • Critères sémiologiques : Idées suicidaires, souffrance morale, idées délirantes, anxiété paroxystique, importance ralentissement psychomoteur, altération état somatique (gravité).
  • Critères anamnestiques : Antécédents suicidaires, échec traitement antidépresseur ambulatoire.

I.8.2. Chimiothérapie

3 phases :

  1. Traitement d’attaque : ~8 semaines (selon sévérité). Parenteral, posologie progressive. Relais per os aux premières semaines d’amélioration.
  2. Traitement d’entretien : ~6 mois.
  3. Traitement prophylactique : Plusieurs années.

Choix antidépresseur : selon tableaux cliniques, contre-indications, doses efficaces. Types : IMAO, tricycliques, inhibiteurs recapture sérotonine. Association anxiolytiques/sédatifs. Résistance après 1 mois -> nouvelle molécule.

I.8.3. Sismothérapie (ECT)

Efficace dans 80% cas. Indications : dépressions majeures (anxieuses/délirantes), stuporeuses (refus alimentaire), risque suicidaire permanent, inefficacité/contre-indication chimiothérapie.

I.8.4. Psychothérapie

Indispensable, complémentaire à chimiothérapie. Soutien psychologique pour compréhension maladie/traitement.

I.9. Conclusion

Dépressions fréquentes, prise en charge bien conduite diminue facteurs résistance et améliore pronostic. Maladie traitable : soutien psychologique, thérapies, médicaments essentiels à la guérison. Sensibilisation et réduction stigmatisation primordiales pour encourager la recherche d’aide.

II. TROUBLES BIPOLAIRES

II.1. Introduction - Définition

Trouble de l’humeur avec épisodes de dépression (tristesse, perte intérêts, asthénie) alternant avec épisodes de manie (élévation anormale humeur, excitation, agitation psychomotrice) ou d’hypomanie (symptômes moins sévères/prolongés). Correspond à la psychose maniaco-dépressive.

II.2. Classification DSM-5

  • Type I : Épisodes de manie (habituellement précédés/suivis de dépression).
  • Type II : Épisodes de dépression et au moins un épisode d’hypomanie (pas de manie).
  • Trouble Cyclothymique : Symptômes d’hypomanie et dépressifs (sans critères épisode caractérisé) sur deux ans.
  • Trouble Bipolaire Autre Spécifié : Symptômes dépressifs/hypomaniaques ne remplissant pas critères précédents.

II.3. Épidémiologie

  • 1% des > 15 ans ont présenté symptômes de trouble bipolaire.
  • Sex-ratio Type I : 1:1.
  • Début moyen : ~18 ans (Type I), ~20 ans (Type II).

II.4. Diagnostic Positif (Selon DSM-5)

II.4.1. Trouble Bipolaire Type I

Alternance épisodes maniaques et dépressifs caractérisés (majeurs).

A. Critères Épisode Maniaque
  • Période (≥ 1 semaine, presque tous les jours) d’humeur expansive/irritable anormale et persistante, avec augmentation anormale activité.
  • Au moins 3 symptômes (intensité significative, changement notable) :
    1. Augmentation estime de soi/idées de grandeur.
    2. Réduction besoin de sommeil.
    3. Plus grande communicabilité/désir de parler.
    4. Fuite des idées.
    5. Distractibilité.
    6. Augmentation activité orientée vers but ou agitation psychomotrice.
    7. Engagement excessif dans activités à conséquences dommageables (achats inconsidérés, conduites sexuelles inconséquentes, investissements commerciaux déraisonnables).
  • Perturbation humeur grave (altération fonctionnement, hospitalisation, caractéristiques psychotiques).
  • Non imputable à substance/autre affection médicale.
B. Critères Épisode Dépressif Caractérisé
  • Au moins 5 symptômes (durée ≥ 2 semaines) ; au moins un de (1) humeur dépressive ou (2) perte intérêt/plaisir :
    1. Humeur dépressive (triste, vide, sans espoir) toute la journée, presque tous les jours.
    2. Diminution marquée intérêt/plaisir pour toutes/presque toutes activités, toute la journée, presque tous les jours.
    3. Perte/gain poids significatif (modification poids corporel > 5% en 1 mois), diminution/augmentation appétit presque tous les jours.
    4. Insomnie/hypersomnie presque tous les jours.
    5. Agitation/ralentissement psychomoteur presque tous les jours.
    6. Fatigue/perte d’énergie presque tous les jours.
    7. Sentiment dévalorisation/culpabilité excessive/inappropriée.
    8. Diminution aptitude penser/se concentrer ou indécision presque tous les jours.
    9. Pensées de mort récurrentes, idées suicidaires récurrentes (sans plan précis), tentative suicide ou plan précis.
  • Symptômes induisent détresse clinique significative ou altération fonctionnement.
  • Non imputable à substance/autre affection médicale.

II.4.2. Trouble Bipolaire Type II

Alternance épisodes de dépression et au moins un épisode d’hypomanie (pas de manie).

A. Critères Épisode Hypomaniaque
  • Période (≥ 4 jours consécutifs, presque tous les jours) d’humeur élevée/expansive/irritable anormale et persistante, avec augmentation anormale/persistante activité/niveau énergie.
  • Au moins 3 symptômes (4 si humeur irritable) (intensité significative, changement notable) :
    1. Augmentation estime de soi/idées de grandeur.
    2. Réduction besoin de sommeil.
    3. Plus grande communicabilité/désir de parler.
    4. Fuite des idées/sensations que pensées défilent.
    5. Distractibilité.
    6. Augmentation activité orientée vers but ou agitation psychomotrice.
    7. Engagement excessif dans activités à potentiel élevé de conséquences dommageables.
  • Accompagné de modifications indiscutables du fonctionnement (différent hors période symptomatique).
  • Perturbation humeur et modification fonctionnement manifestées pour les autres.
  • Sévérité non suffisante pour altération marquée fonctionnement/hospitalisation. Si caractéristiques psychotiques, épisode est maniaque.
  • Non imputable à substance/autre affection médicale.

II.5. Formes Cliniques (Spécifications)

  • Avec détresse anxieuse.
  • Avec caractéristiques mixtes.
  • Avec cycles rapides (≥ 4 épisodes thymiques/an).
  • Avec caractéristiques mélancoliques.
  • Avec caractéristiques atypiques (réactivité humeur, augmentation appétit significative).
  • Avec caractéristiques psychotiques (congruentes ou non à l’humeur).
  • Avec catatonie.
  • Avec début lors du péri-partum.
  • Avec caractère saisonnier.

II.6. Évolution

  • Maladie chronique avec périodes de rémission et de rechutes.
  • 58% des patients bipolaires atteignent la rémission.

II.7. Prise en Charge

II.7.1. Indication d’Hospitalisation à la Phase Aiguë

  • Épisode maniaque ou mixte.
  • Épisode dépressif sévère.
  • Épisode dépressif avec caractéristiques psychotiques.
  • Risque de passage à l’acte suicidaire.
  • Majoration récente des conduites addictives.
  • État somatique préoccupant.
  • Résistance ou inefficacité du traitement.

II.7.2. Choix d’une Molécule en Phase Aiguë

Dépend de :

  • Caractéristiques cliniques de l’épisode en cours.
  • Type de trouble bipolaire (I ou II).
  • Histoire thymique du patient (prédominance maniaque, hypomaniaque, mixte, dépressive).
  • Présence de cycles rapides (≥ 4 épisodes thymiques/an).

II.7.3. Traitement des Épisodes Maniaques, Hypomaniaques et Mixtes

Molécules recommandées : Lithium (Li), Anticonvulsivants (carbamazépine, Valproate), Antipsychotiques de Seconde Génération (AP2G : amisulpiride, aripiprazol, clozapine, Olanzapine, Risperidone), Antipsychotiques de Première Génération (AP1G : halopéridol), Électroconvulsivothérapie (ECT). Arrêt de tout traitement AD si symptômes maniaques.

II.7.4. Traitement des Épisodes Dépressifs dans le Cadre d’un Trouble Bipolaire

Molécules ou thérapeutiques : Antidépresseurs (ISRS, Tricycliques, IMAO), Lithium, AC (Lamotrigine, Valproate, Valpromide), AP2G (Aripiprazol, olanzapine), ECT.

II.7.5. Thérapeutique au Long Cours

Traitement prophylactique recommandé :

  • Systématiquement dès le 1er épisode maniaque.
  • Dès que le diagnostic de TB II est posé.
  • Après 2 épisodes hypomaniaques.
  • Âge de début précoce.

II.8. Conclusion

Trouble bipolaire : pathologie psychiatrique complexe, fluctuations extrêmes humeur (maniaques à dépressifs). Diagnostic : évaluation clinique rigoureuse, observation symptômes prolongée. Prise en charge multidisciplinaire : traitements pharmacologiques (stabilisateurs humeur), psychothérapeutiques. Essentiel de sensibiliser patients/entourage aux signes précurseurs et à l’adhésion au traitement pour prévenir rechutes.